Du Méli-Mélo au Resh

Pour cette 38eme consigne, je devais réaliser une nouvelle métaphorique. Le texte support parlait d’un objet : l’aleph, qui changeait notre vision du monde. L’exercice me demandait de m’en inspirer et le transposer par rapport à mon expérience d’écrivain en herbe. Le but était aussi de jouer avec des comparaisons, des métaphores. J’espère réussir à vous emmener dans mon aventure.

Bonne lecture !

Du Méli-Mélo au Resh

Nous sommes quelques-uns tentés par l’aventure. Nous avons quitté notre quotidien chronophage et énergivore et avons pris la décision de vivre cette parenthèse comme une bulle d’évasion. Nous cherchons l’inspiration, confinés dans un écrin de verdure où il est bon de respirer et profiter de la luxuriance du lieu, comparable à l’Eden. Le sage nous appelle les stagiaires et nous promet qu’après cette formation, nous serons prêts à écrire.

— Au terme de cet apprentissage, vous aurez l’esprit livre ! Penser, parler, écrire ne feront qu’un. L’aboutissement, la quintessence de l’intelligence, le Resh*, voilà ce vers quoi il vous faut tendre.

Moi, je m’appelle Mélissandre-Loïse, mais tout le monde m’appelle Mélo. Comme tous, je suis terriblement excitée par la perspective de découvrir le Resh. C’est vrai, qui ne veut pas l’obtenir ? C’est le Graal, le paroxysme de la pensée, l’intelligence absolue. Quand on le détient, tout ce qu’on veut poser sur le papier se révèle par magie sous une plume légère et soyeuse, dit-on. Vous rendez-vous compte, pour moi, auteure en herbe ?

Le premier jour, le Sage nous a tous impressionnés quand il est apparu, énorme, une aura l’enveloppait. Moi et mon mètre soixante-huit face à mon maître du moment, je buvais ses paroles. Il nous annonça que nous aurions des mentors attitrés pour nous accompagner dans cette découverte rédactionnelle. La promesse était belle, le challenge envoutant. Pourtant depuis, certains sont partis et d’autres ne quitteront jamais ce lieu de formation continue, éternels insatisfaits ou infatigables barbouzes en quête de leur trésor.

Et moi, me direz-vous ? Moi, j’aime voler de mes propres ailes, prendre ce qui me semble bon et m’élève là où je suis. Ensuite, je m’en inspire pour le mettre à contribution de mes essais. Je vais terminer le module pour lequel j’ai rejoint ce coin de paradis, recevoir un maximum d’indices pour trouver enfin le Resh.

Mais par où commencer ? Cet artefact est si puissant qu’il vous permet de dérouler votre récit sans aucune difficulté, sans aucune recherche, sans aucun séquencier. Comme ça, d’un trait, avec un talent inné. Comme s’il suffisait de boire une infusion à l’originalité et à la connaissance avant de se coucher, pour ensuite se réveiller avec l’idée du siècle et l’orthographe de Bernart Pivot.

Après quelques ébauches, mon mentor me propose de publier dans le manuscrit du jardin de l’édition, juste pour les autres stagiaires, afin de me tester. Derrière mon ordinateur, songeant à l’angle que je vais choisir pour rendre une consigne envoutante pour mes futurs lecteurs, me vient l’idée de partir à la recherche du Resh. Je me souviens alors des paroles du Sage.

— N’oublie jamais que le talent, les idées, la racine même de ce que tu produis sont en toi. Le reste : la technique, l’Histoire, l’actualité sont le pot commun de tout écrivain. Fais-toi confiance, va chercher ce que tu estimes intéressant de partager avec le lecteur.

Depuis, je me raccroche à cette idée, la simplicité et l’authenticité prévalent parfois sur la perfection, il suffit de trouver le bon public.

Alors, comme une Mélodie connue sur le bout des doigts par une musicienne aguerrie, je prends mon instrument et compose une symphonie de mots sur le clavier. Enfance, adolescence, amour, famille, collègues, déception, frustration, réjouissance… tout y passe et se traduit par une partition enchanteresse à plusieurs voix ! Mais est-elle suffisamment belle pour plaire à d’autres ? Après avoir joué le morceau devant mon mentor et fort de ses remarques, je reprends le tempo, je change la clé, j’y amène des nuances et m’amuse entre le pianissimo et le mezzo forte. Cet érudit pâlot à l’allure loufoque possède la connaissance d’un documentaliste qui n’aurait jamais quitté sa bibliothèque et son enseignement est primordial.

À l’entendre, ma composition est une Mélopée voire un Mélodrame, or, il faut pouvoir sourire à la vie, y amener de la joie, du rire, de la fantaisie. Au fur et à mesure que les portées défilent, je remarque les imperfections dans ma propre création. Je dois y remédier, trouver de meilleurs accords, amener de la fraîcheur et du rythme comme toute Mélomane qui se respecte, mais sans être dissonante. L’exercice est ardu, mais je prends beaucoup de plaisir à m’y atteler.

Reste le défi de présenter le projet à mes pairs, seront-ils sensibles à ce que j’ai voulu faire passer comme émotion ? Percevront-ils  la finesse des divers niveaux de lecture que j’aime glisser dans mes compositions ? L’envie de bien faire est présente, mais séduire dans ce monde n’est pas chose aisée. Que la chansonnette plaise à mes proches est une chose, qu’elle devienne un tube sur les ondes en est une autre.

Voilà le moment fatidique, celui de s’exposer. J’ai compris que le Resh se trouve au fond de mon âme, nul besoin de symbole particulier. Juste sortir ses tripes, mais avec brio et suivant les méthodes enseignées. Maintenant, j’attends la sentence, l’appréciation, la notation finale de mon mentor et les commentaires des autres stagiaires. De ces réactions, je tirerai ce qui me parle et tendrai ensuite vers le meilleur comme le sage me l’a enseigné. En essayant, surtout, de ne pas prendre le Mélon.

*Resh ou reish : Renouvellement, régénération.

Représente la lumière, la tête, ce qu’il y a de plus haut. La richesse intérieure. La simplicité du coeur mêlée à l’intelligence de l’âme. LeResh permet de nous libérer de notre orgueil et de l’égo.

3 réflexions sur “Du Méli-Mélo au Resh”

  1. Magnifique, je me suis laissée emporter par la  » mélodie » du texte comme une symphonie ou un morceau de musique tellement touchant qu’il vous fait pleurer.
    J’ai ressenti une très forte émotion en te lisant !
    Bravo

  2. Bonjour Ben !

    J’espère que tu as trouvé le « resh », c’est mieux que le wesh, pour dérouler ton futur roman, car je suis certaine qu’à la fin du chemin emprunté, tu auras rempli ta boîte à outils de magnifiques objets pour t’aider à extirper et organiser ce que tu as en toi.

    J’ai beaucoup apprécié cette immersion et cette métaphore tout du long, ça m’a fait sourire et repenser à l’année chez ESL, intense en rencontres autour de l’écriture. Aujourd’hui, j’essaie d’avancer de mon côté, et de m’aventurer sur un grand format… avec pour la première fois, la formation d’un squelette pour ma longue histoire. Je l’ai appelé Robert. J’aime à croire qu’il m’aide, mais je sais qu’en fait, c’est juste le moment pour sortir de ma tête tout ce que j’y ai caché depuis longtemps 🙂 !

    Il me tarde de découvrir tes futurs projets, par pitié prends-pas le mélon, verse pas dans le mélo, mais reste toujours mélomane 🙂 !!!

    Belle journée à toi,
    Sabrina

  3. Waouh! Ton écrit relate tellement bien ton parcours de formation je trouve! La métaphore est super bien utilisée et on ressent ta passion pour l’ecriture à travers elle. Good job!

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