Abbysphera : la cité des profondeurs

Pour cette 5ème consigne, j’avais la contrainte de placer dix mots imposés. Le thème était libre et le choix de narration aussi. Par contre la limite des 6000 caractères est toujours d’actualité. J’ai pris plaisir à écrire cette nouvelle, j’espère que vous prendrez du plaisir à la lire. Pour les plus téméraires, vous pouvez tenter de retrouver les dix mots imposés. Bonne chance et bonne lecture !

Abbysphera : la cité des profondeurs

— Un peu de silence mesdames et messieurs ! Sans plus attendre, je laisse la parole au Dr Bister.

Doté d’un incroyable charisme, Mercury capta, en un instant, l’attention de l’assemblée.

— Merci John. Notre projet n’en est plus un, c’est devenu une réalité ! Et je vous propose d’aller visiter cette petite merveille.

A ces mots, des clameurs et des applaudissements retentirent.

Il y était arrivé! Quarante ans de recherches, de sacrifices, d’isolement… l’accomplissement d’une vie, un futur qui devenait présent.

Marc Bister était âgé de 66 ans, il était entré chez « Belltown » dès l’obtention de son diplôme de physicien. Lors de son entretien d’embauche, il lui avait été précisé qu’il ne pourrait jamais divulguer la teneur de ses travaux ni le lieu de son laboratoire de recherches. La mission qu’on lui avait confiée avait pour vocation de transformer à tout jamais le monde tel qu’on le connaissait. Il était probable qu’il n’en connaîtrait pas l’aboutissement.

Pourtant, il y était parvenu : les villes cloches autonomes fonctionnaient ! Ce n’est pas à titre posthume que son nom serait associé à cette remarquable avancée scientifique. D’autres avaient passé des années à le désirer, lui l’avait réalisé.

Ce matin, le visage radieux, il sortit de son bureau, son porte-documents sous le bras. Il monta l’escalier d’un pas léger pour présenter ses résultats aux investisseurs qui l’attendaient dans la salle de réunion. Il salua chacun individuellement et vint s’asseoir à la droite de M. Mercury, président du conseil d’administration de « Belltown ».

Le petit groupe sortit des bâtiments de cap Canaveral, juste à côté de la base de lancement de la NASA et se dirigea vers la baie de « Banana River ». Bister les mena vers un ascenseur à flanc de falaise. Ils descendirent et se trouvèrent bientôt sous la mer. Les portes s’ouvrirent ; un vigile vérifia les badges et les accréditations pour accéder à ce niveau.

— Tout est en règle, messieurs, bonne visite !

— Merci Karl, à tout à l’heure, lui adressa cordialement Bister.

Le responsable de la sécurité fit ouvrir la grille métallique qui se dressait devant eux. Ils firent quelques pas et se trouvèrent bientôt devant un monorail. Ce véhicule était la dernière étape à franchir pour enfin découvrir leur investissement. Après un moment passé sous terre, le tunnel opaque fit place à des parois vitrées. Les capteurs d’altitude, situés dans les wagons, indiquaient que le train circulait maintenant à 4250 mètres de profondeur, côtoyant le monde sous-marin. Après quelques kilomètres, ils furent subjugués par la vision féerique d’un dôme lumineux en plein cœur de l’océan.

— Bienvenue à Abbysphera ! S’exclama alors le Dr Bister avec fierté.

Lorsque le sas de dépressurisation et le protocole de sécurité d’entrée dans la coupole furent passés, ils purent enfin admirer l’architecture de cette ville cloche de l’intérieur. Ils étaient fascinés. Là, au fond de l’océan, dans une cité de la taille de Manhattan, ils respiraient, parlaient, circulaient comme sur la terre ferme. Si c’était possible sous l’eau, cela voulait-il dire que c’était possible ailleurs ? La colonisation de l’univers allait-elle devenir une réalité ? Etaient-ils en train d’assister à la solution d’un avenir pérenne pour l’homme ?

— J’imagine que vous vous demandez : comment cette paroi transparente peut-elle bien résister à la gigantesque masse d’eau qui l’entoure ? Et si un débris ou un requin la percutaient ?

Marc Bister était allègre en posant cette question au groupe interloqué.

— Et bien, nous avons paré à toute éventualité. Enfin j’espère, ajouta-t-il amusé.

Il expliqua ensuite qu’ils avaient simplement dupliqué les méthodes de construction des grands zoos aquatiques. Et par ailleurs, ils avaient même amélioré le système de colmatage des parois, étant donné la taille de la structure. Concernant l’approche du dôme par un intrus, un sonar signifiait tout mouvement incongru à des kilomètres de distance. Des véhicules sous-marins et un bouclier magnétique se chargeaient de refouler les plus téméraires.

— Mais Docteur, comment faites-vous pour renouveler l’air vicié ? S’intéressa un membre du groupe.

Toutes les études sur le génome humain montraient que l’oxygène et l’azote étaient indispensables pour que l’homme puisse respirer normalement. Le système de ventilation de la sphère vitrée dispensait une atmosphère identique à celle de la Terre. Pour ce projet pilote, des galeries de tuyaux avaient été réalisées pour puiser les besoins en surface et extraire le co². Une technique identique au tunnel sous la manche. Bister ajouta qu’un système de stockage ultra compressé était déjà à l’état expérimental et qu’il promettait une autonomie époustouflante.

Bister les amena ensuite dans la salle de commandement. Des pans de murs entiers étaient consacrés à des panneaux de contrôle de pression, de régulation de l’air, de luminosité… Et au centre de la pièce, régnait l’ordinateur central. Impensable de se dire que tout l’équilibre, le biotope de cet univers étanche était régi par un simple clic de souris.

Pour alimenter cette bulle de verre en électricité, une centrale hydraulique profitait de la gravité et de la pression de l’eau à travers des tuyaux pour actionner des turbines. Comme une dynamo géante. Le stockage restait un problème, et la miniaturisation des batteries : un défi. Mais sur une autre planète, on pourrait imaginer des éoliennes ou des panneaux solaires.

Le conseil d’administration passa le reste de la journée à sillonner la ville comme des touristes qui découvraient la civilisation pour la première fois. Conquis et ravis par la visite, ils repartirent alors vers la surface.

En sortant de l’ascenseur, Bister leva les yeux vers le ciel. Mars, visible grâce à un clair de terre majestueux, lui faisait un formidable clin d’œil. Tout était prévu, mais foulerait-il  du pied cette planète ? Lui restait-il assez de temps ? N’était-il pas le moment de découvrir, vraiment, ce monde pour lequel il avait œuvré toute son existence ?

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