Une saison : 3 partitions

Pour cette 4ème consigne, je devais utiliser la technique du fragment. C’est à dire : créer une partie d’oeuvre perdue ou restant à composer, une forme de texte libre qui se démarque de la nouvelle par son caractère inachevé et son absence de structure. Il fallait donc poser ses idées brutes dans 2 textes. Le premier en décrivant ce qu’on observe en sortant de chez soi et le second en travaillant les souvenirs. Y mettre un fil conducteur était possible aussi. La troisième partie consiste à faire un condensé des deux et retravailler la concision et la prose. Bonne lecture !

Une saison : 3 partitions

1.D’habitude, j’aime marcher dans la campagne, la montagne, la nature. Je suis sensible au coucher du soleil qui vient épouser l’horizon d’un champ de maïs. Je suis transporté par le parfum des écorces d’arbres en pleine mue. Je contemple les brebis qui paissent dans les vallées immenses, entourées de montagnes majestueuses qui semblent découper le ciel. Mais je fais cependant une exception, c’est à la période de Noël. A cette occasion, la civilisation me paraît moins hostile. Ce que je préfère ? L’odeur de la fumée des cheminées qui se propage dans la froideur de l’hiver. L’idée d’être blotti bien au chaud, au coin du feu, quand il gèle à pierre fendre, jouissif…

En rue, j’observe les façades illuminées et les fenêtres décorées. J’aime être happé par l’arôme envoûtant des châtaignes grillées qui me ramène en enfance. L’espace d’un instant, le temps suspend sa course effrénée. Tout est fait pour nous réchauffer et oublier les températures négatives. Je réalise que d’autres citoyens partagent ma ville. Les gens sont plus chaleureux, des sourires s’échangent, certains vont même jusqu’à vous saluer, c’est stupéfiant. Dommage que cette bulle d’humanité, de sentiments nobles et de bonhomie ne dure que quelques jours.

2.Le cadeau bien calé sous le bras, je me dirige vers la maison de tante Jeanne. Cette année encore, c’est chez elle que nous sommes réunis pour le repas familial. Je passe la petite grille de l’entrée, emprunte le sentier qui scinde le jardin avant. Je remarque que, comme à chaque fois, une décoration extérieure à été ajoutée depuis la rencontre précédente. C’est un renne, j’ai l’impression qu’il me suit du regard, il trône juste à côté des marches qui mènent au perron. Je pose la main sur la poignée de la porte, à travers laquelle j’entends déjà la musique et les éclats de rire de mon cousin Charles.
Dans le hall, le porte manteau est assailli de vestes, écharpes, bonnets… Tante Jeanne m’accueille avec enthousiasme. Qu’il est bon de sentir son étreinte, c’est une femme d’un amour débordant et d’une générosité sans fin que je chéris et qui me le rend bien. Les effluves qui émanent de la cuisine me remplissent de joie. Maman et ma cousine Cécile s’affairent pour nous concocter la meilleure dinde de Noël. Je les embrasse et en profite pour piquer un toast apéro (en toute discrétion). De retour dans le hall, face à l’imposant escalier sculpté, je constate que mon oncle défie la rampe en duel, lui intimant l’ordre de le laisser passer armé d’une chaise dans chaque main.

Vaillant mais têtu, tonton Thierry est un homme fier, intelligent, instruit et perfectionniste. Mais une fois l’armure déposée, c’est un timide au grand cœur. Le genre de personne qu’on écoute pour ce qu’il ne dit pas, par pudeur. Mais dont l’humour et le regard suffisent à distiller les messages essentiels de sa pensée. Une fois descendues du grenier, je dispose les chaises autour de la grande table en veillant à respecter le même écart entre chacune, tonton vérifiera. Je jette un coup d’œil par la fenêtre, mes neveux et nièces s’amusent à faire un bonhomme de neige dans le jardin situé à l’arrière. Seule une arcade marque la séparation entre la salle à manger et le salon. J’aperçois mon père, ma sœur Laura et mon cousin Charles en grande discussion. Mon cousin revient à peine de Bukavu et parle de ce qu’il a vu là-bas. Mais mon père lui propose de repousser ce récit à un autre jour…

3.Ebloui par les décorations et les illuminations de Noël, je me dirige vers la maison de Tante Jeanne. Au détour d’une ruelle, un attroupement attend patiemment devant un marchand de châtaignes. Le flottement des senteurs hivernales couronne ma promenade urbaine d’une nostalgie douce. Le quartier est inerte durant l’année. Telle une boîte à musique, tout prend subitement vie, qui a donc remonté la clé ?

A peine passé l’entrée de la maison, je ressens tout de suite l’amour et l’excitation avec lesquels la fête se prépare. Et les images de la famille que je garde contre mon cœur ne cessent d’affluer. Aucunes fausses notes, certains sont aux fourneaux, d’autres régissent la logistique, un groupe de discussion habite déjà la pièce de vie et les enfants s’amusent entre eux. Un petit bémol, mon cousin Charles me fait penser brièvement aux malheurs en train de se dérouler dans le monde au moment où je m’apprête à savourer un festin avec mes proches. Mais je me permets de vivre cette soirée sans culpabilité. Juste un point d’orgue au milieu de la partition, qui est au quotidien, essentiellement composée de mouvements agitato.

1 réflexion sur “Une saison : 3 partitions”

  1. On voit bien le passage entre l’enoncé brut et saccadé des 2 premiers paragraphe et le condensé.
    Il va sans dire que le condensé est beaucoup plus agréable à lire!!! C’est plus fluide et finalement ça suffit pour nous mettre dans le bain.
    Bel exercice, bien réussi à mon sens!
    Bravo Benjamin

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