Faire ou ne pas faire, telle est la question

J’étais sur un banc, tranquille, je profitais de l’éveil printanier, lorsqu’un individu singulier s’approche, se plante comme une asperge devant moi et m’interpelle :

J’aime beaucoup ce que vous faite.

— Ce que je fais ?

Oui, ce que vous faites.

— Ce que je fais là, maintenant ?

Oui. Insiste-t-il.

— Beh, je ne fais rien. Répondis-je interloqué.

— Oui mais vous le faites bien, c’est admirable. J’aimerais tellement ne rien faire aussi bien que vous.

— Ce n’est pourtant pas si compliqué.

— Oooh, que vous dites ! Moi j’ai passé ma vie à mal faire les choses.

— Justement, dans ce cas-ci vous ne ferez rien de mal. Enchaînai-je fier de ma répartie.

Beh je sais pas, comment ne rien faire convenablement alors que j’ai toujours tout fait de travers ?

— Commencez par me laisser faire et contentez-vous d’observer !

— Faire quoi ?

— Beh rien…

— Ah, mais même ça, j’appréhende.

— Mais enfin pourquoi ? Soufflai-je agacé

— Car j’ai peur de vous regarder en biais.

— Dans ce cas, placez-vous bien en face de moi !

Ça ne marchera jamais.

— Pourquoi dites-vous ça ?

Car désormais, vous m’apprenez à ne rien faire. Je ne veux pas vous observer m’apprendre à ne rien faire, je veux simplement vous regarder ne rien faire. Mais le but est manqué et maintenant vous n’y arriverez plus.

— Mais, si je suis votre logique, même si vous me regardiez ne rien faire sans que je le sache, vous seriez en train de faire quelque chose du coup.

Ah oui, en effet, J’en conclus que ne rien faire ne s’apprend pas. Enfin, c’est bien ce que je disais, même ne rien faire, je n’arrive pas à le faire de la bonne façon.

— Tout dépend ce qu’on entend par : « une bonne façon de faire ». Décochai-je avec finauderie.

— Tiens, je ne me suis jamais posé cette question, j’imagine que je me suis comparé aux autres. Murmura-t-il, fataliste.

— Et comment pouvez-vous être certain que la façon de faire des autres soit la bonne ? C’est peut-être la vôtre la meilleure.

Vous pensez ?

— J’en suis convaincu !

Mais alors, vous qui ne faites rien avec tellement de naturel et de brio ? Canonna-t-il.

— Eh bien… je suis persuadé que vous pouvez faire mieux.

Vraiment ? Vous m’en voyez ravi.

— C’est un plaisir d’avoir pu éclairer votre journée.

Si j’avais su que ne rien faire me rendrait si heureux, je l’aurais fait depuis longtemps. Soliloqua-t-il en s’éloignant.

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