L’empailleur auvergnat (réécriture)

Pour cette 31eme consigne, je devais me livrer à la réécriture d’un texte de mon choix. J’ai pioché dans mes réalisations précédentes. Il fallait donc procéder à une épure du texte original, par suppression, raccourci, omission, autant de figures d’ellipses détaillées dans la consigne. Un travail qui devait aboutir à un récit à l’expression serrée, d’une grande concision, mais sans dénaturer l’esprit de la nouvelle initiale.

Vous trouverez une petite analyse concernant l’aspect technique du travail effectué, à la suite du récit.  J’ai également joint la version initiale de la nouvelle, pour ceux qui ne l’auraient pas lue ou plus en mémoire.

Bonne lecture !

L’empailleur auvergnat (réécriture)

Veuf taciturne, Francis Dubois ne fréquentait plus de lieux publics et avait développé une passion pour la chasse. Cette activité solitaire lui permettait d’assouvir son droit de prédateur perfectionniste, isolé.

Au début, muni d’une carabine, Francis visait toujours le cœur. Récemment passé au couteau pour se rapprocher. Il aimait lire la douleur, voir le corps se déformer à chaque coup de lame. Se sentant vivant quand il donnait la mort.

Méthodique, son rituel de retour consistait à garer sa voiture dans le garage, sortir sa prise du coffre, procéder à l’exsanguination et au découpage. Travail chirurgical exercé à la lueur d’un néon blanc. Il gardait toujours la tête pour l’empailler, chaque trophée était exposé dans un local au fond du jardin.

Attablé devant son dîner, son épouse le fixait avec son regard vitreux, figée au milieu des photos de famille et des cadres poussiéreux. Elle continuait à le juger, réprobatrice de cette activité violente, l’air accusateur, lui rappelant la même expression que les soirs où il rentrait saoul.

Hier soir, en revenant de la forêt, le chasseur aperçut un barrage de police. Un rapide coup d’œil sur le niveau de la bouteille de whisky couchée sur le siège passager le décida à le forcer. Le véhicule se déroba et plongea dans le fossé. Il releva la tête du volant, le coffre de la voiture était ouvert et les policiers horrifiés braquaient leur arme vers lui.

La dépêche du lendemain titrait : « Découverte macabre chez l’empailleur auvergnat ».

Les corps de vingt-six victimes portées disparues ont été retrouvés. Leurs visages empaillés ornaient les murs de la remise de Francis Dubois. Celui de son épouse trônait au milieu du living.

Analyse par rapport aux modifications apportées

Je me suis attelé à retirer les mots de liaisons qui alourdissent et les conjonctions de coordinations inutiles. J’ai donc eu recours à l’asyndète, d’après les outils proposés dans la consigne.

J’ai supprimé des mots, des phrases voire même un paragraphe entier qui n’enlevait rien à la compréhension du texte, au contraire. Après avoir évacué quelques détails, comme le fait que Francis se sente abandonné par son ami, je me rends compte que lecteur peut se faire cette réflexion sans devoir l’expliquer. Un homme qui garde la tête de sa femme empaillée dans le salon ne reçoit normalement pas de visite, il est seul, nul besoin d’écrire sept lignes pour renforcer le propos dans ce cas-ci.

J’ai également essayé de raccourcir les phrases, de les enchevêtrer les unes dans les autres, à la façon de la brachylogie, ex : « Veuf taciturne ». J’ai appuyé ça et là sur le flashback : « Il voyait son air accusateur, la même expression que les soirs où il rentrait saoul », ce qui donne le mobile du meurtre, un mari dérangé qui n’en pouvait plus de l’attitude de sa femme.

Je pense que ces différentes techniques offrent, au final, un texte plus dépouillé, mais qui n’a rien perdu de son caractère initial.

Texte initial :

Taciturne depuis la mort de son épouse, Francis ne fréquentait plus de lieux publics et avait développé une passion pour la chasse. Cette activité solitaire lui permettait d’assouvir son droit de prédateur perfectionniste, loin des critiques des collègues du bureau, du harcèlement de son patron et de la maison remplie de souvenirs douloureux.

Hier, l’adrénaline l’avait gagné. Son pickup garé à l’orée du bois, il s’était posté derrière un buisson. Francis avait aperçu le gibier, suivi ses déplacements, l’excitation était à son paroxysme. Méthodique, il suivait scrupuleusement le même rituel quand il revenait chez lui. Sa voiture était garée en arrière dans le garage. Sa prise du jour sortie du coffre, il procédait à l’exsanguination et au découpage. Un travail méticuleux qu’il exerçait à la lueur d’un néon blanc avec une expertise chirurgicale. Il gardait toujours la tête pour l’empailler. Son épouse n’aurait pas supporté la vue de ces dépouilles, alors il stockait ses trophées dans un local au fond du jardin.

Au début, les traques se faisaient à distance, juste muni de sa carabine avec silencieux. Patient, il attendait parfois plusieurs heures avant de voir déambuler devant ses yeux l’objet de son attention. L’œil dans le viseur, le doigt sur la gâchette, la respiration était retenue et le coup partait. Francis visait toujours le cœur afin de ne pas abîmer la face de son précieux butin.

Récemment passé au couteau pour se rapprocher, il provoquait la frayeur de sa proie, lui laissant une chance de s’échapper. Finalement, il lisait la douleur, le corps se déformant à chaque coup de lame, Francis trouvait ça jouissif. Il faisait part d’une grande ténacité et de peu de remords. Se sentant vivant quand il donnait la mort.

Durant le repas du soir, il ne pouvait s’empêcher de se tourner vers son épouse. Elle était dans le living, à le fixer avec son regard vitreux, figée au milieu des photos de famille et des cadres poussiéreux. Elle continuait à le juger, réprobatrice de cette activité violente. Écraser une fourmi était déjà de trop pour elle, alors la cruauté gratuite, elle n’aurait pas toléré. Il voyait son air accusateur, la même expression que les soirs où il rentrait saoul.

Hier soir, en revenant de la forêt, le chasseur aperçut un barrage de police. Pris de panique après un rapide coup d’œil sur le niveau de la bouteille de whisky couchée sur le siège passager, il décida de le forcer. Arrivé à hauteur des agents, Francis sentit son véhicule se dérober et ne put l’empêcher de plonger dans le fossé. Il releva la tête du volant, le coffre de la voiture était ouvert, les policiers horrifiés braquaient leur arme vers lui.

La dépêche du lendemain titrait : « Découverte macabre chez l’empailleur auvergnat ».

La police a mis fin à une enquête qui pataugeait depuis des mois. Francis Dubois, quarante-deux ans, est l’auteur des rapts de ces dernières semaines dans la région de la forêt de Tronçais. Les corps des vingt-six victimes portées disparues ont été retrouvés dans des frigos installés dans un abri au fond du jardin du quarantenaire. Leurs visages empaillés ornaient les murs. Celui de son épouse a également été découvert trônant au milieu du living de la maison du meurtrier. Le présumé psychopathe sera entendu dans la journée.

2 réflexions sur “L’empailleur auvergnat (réécriture)”

  1. Salut Ben, l’effet de surprise reste entier il est vrai. La version courte fonctionne bien. Je ne connais pas la consigne et sans doute l’as-tu réussie. C’est très personnel, je préfère la version plus longue parce qu’elle est plus « enveloppante » de cette ambiance noire, glauque. C’est plus lent et j’aime bien, je trouve que ça se prête bien au style.

    Un détail pour la version courte; le terme « gibier » ne s’y trouve pas, et je pense qu’il est un terme important pour rappeler la chasse. Par exemple « pour se rapprocher du gibier ».

    Toujours un plaisir de te lire

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