L’envol de la liberté

Pour cette 28eme consigne, je devais cette fois réécrire le conte philosophique de Richard Bach, en faisant l’expérience du resserrement et de la condensation. J’ai donc commencé par lire « Jonathan Livingston le Goéland » pour m’imprégner intimement du texte support avant de procéder à la rédaction. J’ai ensuite choisi les idées que je voulais distiller à travers ce résumé, pour conserver l’aspect philosophique original et malgré tout composer une nouvelle à part entière. Cet exercice n’est pas simple mais il m’a permis d’explorer de nouvelles techniques d’écriture.

Bonne lecture !

L’envol vers la liberté

— Waouh… fit Jonathan lorsqu’il regarda vers le bas.

Quelle sensation, quel plaisir de survoler la plage se dit-il. Il les voyait, tous ses amis, sa famille, rassemblés à le regarder virevolter au-dessus d’eux. Semblables à de petits scarabées, depuis cette hauteur, ils devaient être, pour le moins admiratifs, pensa-t-il.

— Jonathan Livingston, descendras-tu bon sang ?

A peine la voix de son père lui était parvenue que le jeune goéland s’exécuta et vint se poser auprès des siens.

— Mon petit Jon, tu dois arrêter de faire des bêtises, tu grandis maintenant, tu sais que le clan n’apprécie pas ton attitude. Comporte-toi comme un vrai goéland et fais-nous honneur, l’admonesta sa mère.

Il ne supportait pas voir la déception dans le regard de sa maman, il décida qu’elle avait raison et accepta de ne plus chercher de sensations fortes en altitude. Pendant quelques semaines, Jon suivit scrupuleusement le rituel du clan. Voler ne servait qu’à chasser. Le but de la journée était de trouver de la nourriture et passer le reste du temps à en débattre.

Un soir, n’y tenant plus, il faussa compagnie à sa famille et déploya ses ailes dans le ciel obscurci. Il s’élança et grimpa plus haut qu’il n’avait jamais volé. En piquant vers la mer, il essaya de gagner en vitesse et de comprendre comment l’augmenter au maximum. Il passa la nuit entière à tester de nouvelles figures. Il tourbillonnait, chutait, se heurtait à la mer bétonnée. Mais à force d’entrainement et de témérité, il comprit comment trouver les positions les plus aérodynamiques pour gagner en rapidité et en fluidité.

C’est devant un soleil à peine éveillé qu’il parvint pour la première fois à atteindre une vitesse de plus de deux cents kilomètres à l’heure. Il fallait partager ce prodige avec les autres. Il se dirigea vers la falaise, passa la petite colline et fonça à toute allure vers la troupe de goélands, en rasant l’écume des vagues, dessinant une traînée sur la mer à chaque passage. Il vint ensuite se poser avec délicatesse au milieu du cercle des anciens. Il s’avança fièrement, les ailes droites, le bec relevé. Son éviction fut immédiate et sans appel. Tous lui tournèrent le dos. Le pauvre diable quitta sa patrie, ses souvenirs d’enfance et s’en alla seul, désillusionné.

Le reste de sa vie fut consacré au perfectionnement de son art. Un jour, alors qu’il pointait au-delà des nuages, et qu’il lui semblait être à quelques battements d’ailes des étoiles, deux majestueuses créatures vinrent à sa rencontre. Des goélands magnifiques, aux plumes d’argent, rutilantes, l’entourèrent et lui proposèrent de monter plus haut encore. Jonathan devenu plus sage et expérimenté se sentait appelé par la destinée. Il prit leur sillage et disparut dans l’atmosphère.

S’ouvrit à lui un monde merveilleux, jamais il n’avait rencontré pareils personnages ni de si beaux paysages. La planète sur laquelle il avait atterri était peuplée de goélands, comme lui, qui cherchaient à améliorer la maîtrise de leur art.

— Te voilà enfin, Jonathan Livingston, murmura une voix à l’intérieur de son esprit.

En scrutant autour de lui, il vit un de ses semblables scintiller en le fixant.

— Je m’appelle Chiang, je voudrais partager tellement de choses avec toi.

Au-delà des techniques de vol insoupçonnées, Jon apprit l’amour auprès de son mentor. Il découvrit les bienfaits de la transmission, de la communauté, de l’infinie perfection et du bonheur qu’il y a à l’enseigner aux plus jeunes. Il se lia d’amitié avec Sully, un goéland qu’il avait pris sous son aile pendant les formations. Et il regardait enfin en arrière avec compassion. L’amertume pour ses anciens amis, sa famille avait disparu. Il ressentait même de la nostalgie en repensant à son clan, à tout ce qu’ils avaient manqué, tout ce qu’il leur restait à découvrir. Il était décidé, il allait rentrer maintenant.

En arrivant près de la falaise, Jonathan vit un goéland opérer des cercles et tenter des accélérations fulgurantes. Il sourit, la surprise était de taille, sans même devoir chercher, un élève se présentait à lui. Et il semblait doté de quelques facilités. Jon se dit qu’il pourrait rapidement l’aider à doubler sa vitesse de vol. Il se mit en position et pendant que le novice plongeait vers l’eau, Jon le dépassa tel un éclair pour ensuite se poser sur la rive après un vol stationnaire de quelques secondes. Subjugué par une telle maîtrise, l’autre oiseau vint le rejoindre.

— Je… tu… comment est-ce possible ?

— Bonjour, je m’appelle Jonathan Levingston

— Et moi Fletcher, Fletcher Lynd.

A compter de ce jour, rien ne put les séparer. Fletcher expliqua comment le clan l’avait banni, lui aussi. Très vite, la petite île où ils avaient élu domicile devint le repère de tous les volatiles chassés de la côte par les leurs. Tous les jeunes dévoraient les enseignements de Jon, il mêlait la théorie à la pratique, la maitrise physique et spirituelle. Ils restèrent en retrait, sur leur rocher jusqu’au jour où le professeur décida qu’il était temps de regagner leur terre natale. Les autres n’auraient d’autre choix que de les accepter tels qu’ils étaient.

C’est donc en formation serrée qu’un beau matin, l’escadron ailé exécuta quelques figures voltige au-dessus des crânes étonnés de leurs condisciples. Le clan se divisa entre ceux qui trouvaient ça formidable et les autres qui voyaient une ignominie envers les règles ancestrales des familles de goélands. Fletcher prenait de l’assurance, son vol devint de plus en plus précis, sa vitesse s’accroissait de manière vertigineuse. Tous ses camarades voyaient en lui le nouveau Livingston, jusqu’au jour où, pour éviter un oisillon qui coupait sa route, il rabattit ses ailes et partit en tonneaux sur le sol et termina sa course contre un rocher. Durant son coma, il se rappela les paroles de son aîné : « tu ne pourras maîtriser pleinement ton art que quand tu maîtriseras pleinement ta pensée ». Il comprit qu’il devait encore acquérir de la sagesse et ne pas brûler les étapes.

Les exclus étaient à présent réinsérés au sein de la société des goélands. Et le vol de vitesse devint une discipline à part entière, reconnue par les anciens du clan. Jonathan Livingston sentit qu’il avait accompli sa mission. Avant de disparaître, il confia les rênes à Fletcher. C’était à lui maintenant d’assumer cette tâche, de trouver un sens à sa vie. Notre héros quant à lui, se volatilisa. Certains l’auraient vu se surélever en brillant dans le ciel, ses plumes reflétant le soleil telles des feuilles d’argent.

2 réflexions sur “L’envol de la liberté”

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