Piège en randonnée

Pour cette 2ème consigne, il fallait utiliser l’autofiction. Se raconter à travers un texte sans se mettre à nu, choisir ce que nous voulons livrer au lecteur. Différents outils narratifs étaient à utiliser. J’ai choisi de faire passer beaucoup d’émotion et de cadrer la scène par des dialogues. Bonne lecture !

Piège en randonnée

Cinq heures de retard… Anormal. Le crépitement du feu, sinon, le silence presque assourdissant! L’inquiétude marque les visages éclairés par la lueur des flammes. Plus tôt dans la journée, l’ambiance était pourtant festive. Jamais nous n’avons vécu cette situation. C’était la première fois en six ans. Bien sûr certains pouvaient prendre des détours, d’autres flâner en chemin. Les retardataires étaient alors la cible des railleries des premiers arrivés. Mais nous n’avons plus le goût à la plaisanterie.

– Je vais me coucher. Je partirai à leur recherche dès l’aube, dis-je d’un ton décidé.

– Ok Ben, je viendrai avec toi, intervient Jonathan

– Marie, tu nous ralentirais et tu seras plus utile ici, lance-t-il à son épouse.

Il se tourne alors vers Michel :

– Elle ne peut pas rester seule. Je suppose que ça ne te pose pas de problème de…

– Aucun ! Allez-vous coucher. Je vais veiller encore un peu et entretenir le feu. On ne sait jamais.

06h00, l’alarme de mon téléphone retentit. Je vérifie si je n’ai pas de message d’Hervé ou Sophie. Aucune notification. Première fois en six éditions que nous allumons nos portables pendant le trek. J’ouvre la fermeture éclair de ma tente. J’aperçois Michel accroupi, la cafetière fumante à la main. Le feu rougeoie encore. Marie et Jo sortent à leur tour, nous mangeons ensemble et faisons le point.

– J’ai prévenu les autorités locales de leur disparition. Ils ont leur signalement, dit Michel.

– Par contre, je tombe en permanence sur leur messagerie, ajoute Marie.

Cette année, le binôme Hervé/Sophie devait rallier Eidfjord à Besso, lieu de notre campement. Il se situe dans le parc national Hardangervidda en Norvège. Une halte de nuit était prévue dans une auberge à Bjoreidalen, à huit heures de marche. Le gérant nous a confirmé leur passage. Ils sont dans les temps et empruntent visiblement le chemin que nous avons planifié. Lampe torche, gourde, trousse de secours, victuailles, téléphone et boussole chargés dans les sacs, nous partons.

Après trois heures d’un bon pas, nous nous arrêtons pour casser la croûte. Jonathan est morose, blême, différent. Personnellement, je suis partagé entre la conviction que nous les retrouverons et l’angoisse d’imaginer dans quel état. Après un coup de fil passé à Michel, par bribe à cause du réseau capricieux, nous reprenons la route. Jonathan vient alors à ma hauteur :

– Ben, et si…

– Ne commence pas, on va les retrouver.

– Comment peux-tu en être sûr ?

– Hervé est un excellent trekkeur et Sophie très sportive.

– C’est quand même eux qui ne sont pas arrivés au point de ralliement.

– Tu doutes, ok. Tu balises pour ta frangine, ok. Mais je préfère quand tu la fermes.

– Ça y est, grand duc a parlé ! Petit colibri peut juste retourner sur sa branche.

Jonathan, agacé, hausse les épaules et accélère la cadence. Ce genre de réaction ne lui ressemble pas. Si posé d’habitude. Je le rattrape et mets la main sur son dos.

– Attends Jo, qu’est ce qu’il te prend ?

– C’est en partie à cause de toi cette situation.

– Quoi ?

– Chaque fois plus long, plus risqué. Et puis ton idée de nous séparer les deux premiers jours.

– T’as toujours trouvé ça fun pourtant. Tu n’aimes plus qu’on se tire la bourre ?

– Oh si, d’ailleurs je m’éclate.

– Hé, t’es adulte, si tu ne cautionnais pas, tu pouvais le dire !

– Vraiment ? Tu es sûr de ça ? Même le choix des binômes tu l’imposes !

– Tu voudrais peut-être que je fasse équipe avec ta femme, ou celle d’Hervé ? La mienne n’aime pas ce genre d’aventure et Michel est célibataire.

– Ça t’arrange bien, avec lui, vous formez le duo gagnant. Ce serait con d’arriver deuxième. Tu ne pourrais plus te foutre de nous.

Cette dernière phrase me sèche. Il est hors de lui. Mais je le trouve profondément injuste de m’accuser de tricheur. Je mets toujours un soin particulier à attribuer les parcours en fonction des forces de chacun. Et je chambre toute le monde, tout le temps, sans méchanceté. Mais Jonathan voit qu’il a sans doute été trop loin.

– Tu dois comprendre que parfois, on aimerait avoir notre mot à dire.

– Qui ça on ?

– Les potes quoi.

– Ah parce que vous en avez discuté entre vous?

Cette fois, c’est moi qui fais cavalier seul. Nous parcourons une dizaine de kilomètres sans nous adresser la parole. A-t-il raison ? Vais-je trop loin ? J’aime être l’organisateur. Je ne pensais pas que ça ne leur convenait pas. Et s’il est arrivé malheur ? Je serai également le responsable. J’envisage le pire. Cette idée me glace le sang. La température contribue à cette sensation. Le mois de septembre est rude dans le Hordaland. Il fait 6 c°.  Mon regard est soudain attiré par de la fumée sortant d’une cheminée.

Nous entrons dans le petit chalet de bois. Un homme robuste, à la barbe noire bien garnie nous salue. A peine Jonathan passe la porte qu’il reconnait le pull de sa sœur posé sur une chaise. Ølvik nous explique qu’un couple a débarqué la veille. La femme, blessée à la jambe a été emmenée au centre médical à Odda. Ølvik propose de nous y conduire. Il faut simplement passer par Besso. Un crochet d’une demi-heure afin de récupérer nos amis restés au campement. Je profite du voyage pour m’excuser auprès de Jonathan.

– Tu as raison, je ne devrais pas tout décider. On planifiera tous ensemble désormais.

– Ce n’est pas le moment. J’espère juste que ce n’est pas trop grave pour Sophie.

– Désolé. Tu as prévenu Marie ?

– Oui

Le reste du trajet se fait dans le silence. Je prends enfin le temps pour admirer le paysage. Rochers, lacs, prairies se côtoient avec une beauté majestueuse. Je sens le véhicule ralentir. Là où nous avons bivouaqué la veille, une troisième tente est installée. Michel a-t-il bougé de la matinée ? Il est accroupi devant le feu rougeoyant, cafetière à la main. Marie et Sophie paraissent hilares de nous voir arriver. Ølvik fait une moue amusée. Jonathan jubile à côté de moi. Je sors de la voiture, confus. Hervé me tend une tasse, un large sourire sur le visage.

– Fallait bien ça pour que tu comprennes non ?

1 réflexion sur “Piège en randonnée”

  1. Histoire qui peut sembler familière à bcp de groupes d’amis! J’étais un peu déboussolé par certains choix de vocabulaire seraient plus appropriés dans d’autre styles littéraire.

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