La mangue et le Lynx

Pour cette 9ème consigne, je devais rédiger une nouvelle à partir de contraintes. Il y avait cinq mots imposés, il fallait également un mort, un meurtre de préférence. Et si nous parvenions à utiliser un des mots comme arme, c’était bonus.

Bonne lecture !

La mangue et le Lynx

Le Lynx retint sa victime sous les bras, elle n’avait pas eu le temps de pousser un cri. Il assit le défunt sur la banquette et lui posa la tête contre la fenêtre. Il fouilla les poches et y trouva la clé de la mallette. Il l’ouvrit, en extirpa le Mênku. Après l’avoir emballé soigneusement dans un tissu, il le mit dans son sac et sortit de la cabine. Le train serpentait dans une vallée montagneuse, il en profita pour se débarrasser de l’arme du crime par la fenêtre. Le lendemain, les journaux titraient : « Assassinat ferroviaire : Théophile Duroy Lacan, le grand diamantaire anversois trouve la mort dans le Thello Paris – Venise ».

Le Mênku devait être exposé à une vente aux enchères, deux semaines plus tard, à Venise. C’est en 1979 que la compagnie minière Belge avait extrait ce diamant brut au Botswana. Les indigènes lui donnèrent le nom de Mênku, « mangue » en Tswana, en raison de sa forme et sa taille. Il fut ramené à Duroy Lacan, qui, après avoir essayé de le vendre sans succès, eut l’idée de le tailler pour lui donner une forme unique. On estime sa valeur à plus de 60 millions d’euros aujourd’hui.

Quelques mois avant de voler le joyau, le Lynx avait été contacté par ses commanditaires. Un colis contenant des instructions et un acompte de 10%, avait été déposé dans la consigne d’un petit bureau de poste bruxellois. Le Lynx préparait toujours ses opérations avec minutie, il n’acceptait jamais de contrat de dernière minute. Tout reposait sur une observation méticuleuse de la cible et le choix du meilleur moment pour agir.

Une enveloppe et 50.000 euros en billets de 20 étaient soigneusement disposés à l’intérieur du paquet. Le Lynx ouvrit l’enveloppe, elle contenait l’ordre de mission, la photo de Duroy Lacan et un billet de cent francs belge à l’effigie d’Henri Beyaert. L’inscription « Mênku » et une flèche dessinée au marqueur pointait la conception géométrique* représentée au dos. Le boulot était clair, mettre la main sur le plus gros diamant du monde et tuer Duroy Lacan par la même occasion.

C’était la première fois en quarante ans que la pierre précieuse sortait du coffre de la prestigieuse banque Diamonds&Lacan. L’occasion rêvée de s’en emparer. Le Lynx épia les moindres faits et gestes de sa cible durant des jours. Il mit son téléphone sur écoute, pirata son ordinateur et celui de sa secrétaire, observa ses habitudes et apprit les détails de son quotidien. Il connaissait le temps de chacun de ses déplacements à la seconde près, son chronomètre avait fidèlement tout enregistré. Duroy Lacan n’avait plus de secret pour lui, il était devenu une proie à portée des griffes du Lynx.

Un battage médiatique concernant la manière la plus sécurisée de transporter le diamant avait vu le jour. La presse avait annoncé la venue d’un fourgon blindé et l’utilisation d’un avion spécialisé dans le transport de fonds. Mais le Lynx savait que le brave Théophile ne se séparerait pas de son bébé, que toute cette agitation était une diversion. Il avait trouvé les billets du train Thello dans son bureau, il avait intercepté la communication téléphonique avec le Belmond Cipriani of Venice, le seul hôtel muni d’une chambre forte dernier cri. Ce voyage en Italie n’était pas bucolique, Duroy Lacan comptait bien amener lui-même le Mênku à cette vente historique, en toute discrétion.

Le tueur professionnel s’arrangea pour obtenir des places dans une cabine proche de celle de Duroy Lacan. Le lynx savait qu’il fallait agir vite, entrer et sortir sans être vu. De plus, le Thello dispose d’un terminal avec détecteur de métal et une fouille sommaire des passagers est organisée avant de monter à bord. Il fallait donc une arme discrète, voire indétectable, silencieuse et efficace.

Le Lynx releva la tête de son établi, lunettes de protection sur le nez et fer à souder à la main, un rictus de satisfaction se dessina sur son visage. Il fallait maintenant tester le mécanisme ! Il inséra le clou sans tête dans la partie inférieure du stylo-plume, clipsa la cartouche d’air comprimé dans la partie supérieure et vissa les deux ensemble. Il se leva et se dirigea vers un patron de couturier, pressa le stylo contre le buste et actionna le bouton poussoir. Une pénétration de douze cm, suffisante pour traverser le poumon et transpercer le cœur.

Le Thello arriva en gare de Padoue, le Lynx descendit du wagon et se dirigea vers le parking. Il déverrouilla le coffre d’une berline, y déposa son sac et en retira une valise en cuir. Il referma le coffre, ouvrit le véhicule garé juste à côté et s’installa au volant. Il jeta un œil au contenu de la valise : 450.000 euros en petites coupures. Il ajusta ses gants, mit le contact et enclencha la marche arrière. En sortant du parking, il aperçut le marché sur la place de la gare, sur l’écriteau de la première échoppe, il était inscrit : « Mango alla rinfusa »*². Le lynx esquissa un sourire et reprit la route vers la Belgique.

*Voir l’envers d’un billet de 100 francs belge à l’effigie d’Henry Beyaert

*²Mangue en vrac

Les mots à placer étaient les suivants :

Un billet de cent francs belge

Un chronomètre

Un stylo-plume

Une enveloppe

Un clou

1 réflexion sur “La mangue et le Lynx”

  1. Personnage du Lynx bien recherché. J’aime les subtilités et les références que l’on trouve dans ce texte. Ça donne envie d’en découvrir d’avantage. Je serais preneur d’une nouvelle série. .. : Lynx

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