Le petit garçon, la mouche et l’araignée

Pour cette 34eme consigne, je devais modifier un schéma narratif, au moyen de divers procédés. Je pouvais à nouveau repartir d’un de mes textes ou revisiter une nouvelle de Jacques Sternberg. J’ai opté pour ce second choix. J’ai donc enrichi le récit, donné vie à de nouveaux personnages et densifié le caractère fantastique et noir déjà présent dans le récit initial.

Bonne lecture !

Le petit garçon, la mouche et l’araignée

Jean empruntait toujours le même le chemin pour rentrer de l’école. Il n’avait pas envie d’arriver trop vite à la maison. Son papa n’était plus là et il ne le reverrait jamais. Sa maman ne l’attendait pas, elle devait encore être ivre dans le divan. Si c’était pour passer la soirée à faire le ménage, il avait tout le temps de flâner.

Il aimait prendre le sentier de la forêt. Ceux de l’école, eux, n’osaient pas. C’est pour ça que Jean ne les aimait pas, il ne supportait pas les froussards. Ils le lui rendaient bien, ils surnommaient leur camarade : le bizarre. Mais ça lui était bien égal. Il avait d’autres amis, les animaux. Ses préférés étaient les insectes.

Il décida de faire une halte en bordure de la route principale. Il aimait se coucher à cet endroit, et regarder la cime des arbres atteindre le ciel. Une mouche vint tournoyer autour de lui. Il n’en avait jamais vu de semblable. Elle avait le dos rouge et ses ailes scintillaient. Jean décida de la suivre, après tout, elle volait en direction de chez lui. Il fit quelques centaines de mètres et la quitta des yeux un instant, car il aperçut une vieille maison délabrée à moitié engloutie par la végétation. Le petit explorateur esquissa un sourire, il avait déjà entendu parler de cette bicoque par les trouillards de sa classe. Il parait que c’était l’ancienne maison d’une sorcière et que sa soupe préférée était le bouillon d’enfant. Mais Jean ne s’en laissait pas compter, toutes ces histoires n’étaient que des sornettes, pensait-il. Alors qu’il allait reprendre sa marche, la mouche vint à nouveau le taquiner et prit la direction de la lugubre bâtisse.

Planté devant la porte, un frisson parcourut le dos du petit garçon.

— Tu as envie d’y entrer ? questionna-t-il sa copine ailée.

Elle voltigeait et vint se poser sur la poignée en guise de confirmation. En appuyant les mains sur le bois vermoulu, Jean hésita… Mais c’était un dur à cuire, alors il n’avait pas peur des bouillons. Il ouvrit, sans se rendre compte que derrière lui, des arbustes poussaient à toute vitesse, les buissons étoffaient leur feuillage et le chemin qu’il avait emprunté disparaissait sous les ronces. La maison devint bientôt invisible depuis la route. Une fois à l’intérieur, la porte se referma sèchement.

— Il y a quelqu’un ? fit-il d’une voix fluette.

Le courageux bonhomme avança de quelques pas.

— Bonjour ! enchaîna-t-il d’une voix faussement assurée.

Visiblement, plus personne ne vivait en ce lieu. Jean décida alors d’explorer la maison. Il pourrait rigoler de ses camarades, leur expliquer comment il avait bravé tous les dangers pour visiter l’antre des ogres. Il prospecta la cuisine, le salon et revint dans le hall pour s’attaquer à l’escalier qui menait à l’étage. Après avoir fait le tour des deux chambres et de la salle de bain, il se dirigea vers la sortie. Impossible d’ouvrir la porte. Il regarda par la fenêtre, tout était recouvert de verdure. Il entendit alors le bourdonnement de l’insecte près de son oreille, elle l’entraîna vers le grenier. Le seul endroit que l’apprenti aventurier n’avait pas encore visité.

Lorsqu’il y pénétra, le garçon ne faisait pas le fier. Il s’en voulait un peu d’avoir joué les frondeurs. Il courut vers la tabatière, mais celle-ci lui résista également. Jean se mit à pleurnicher. Il releva la tête et balaya la pièce du regard. Un sentiment de panique le parcourut quand il découvrit un squelette de petite taille dans le coin opposé. Ensuite, ses yeux se portèrent sur un aquarium vide. En s’approchant, il vit qu’il contenait un bocal, avec une araignée à l’intérieur. Elle semblait sans vie. Mais quand la mouche vint se poser sur le couvercle, l’arachnide fit quelques mouvements.

— Tu veux que je la libère ? C’est ton amie ?

La mouche exécuta sa danse et Jean ouvrit le bocal. Il fit ensuite un pas de recul et observa les retrouvailles. L’araignée restait amorphe et c’est la mouche qui entra à son tour dans le bocal. Dans un bal incessant de battement d’ailes et de jeu de pattes, les deux spécimens donnaient l’impression de communiquer. Puis plus rien, le calme, la mouche sortit et se dirigea vers la porte, elle revint quelques secondes plus tard avec les pattes trempées, comme pour réhydrater sa comparse.

Le petit gaillard commençait aussi à avoir soif et il devait trouver un moyen de partir. Il descendit dans la cuisine et attrapa un couteau et une spatule en guise d’outils. Revenu dans la pièce, il nota que l’araignée était sortie de son bocal, elle avait doublé de volume. La mouche aussi paraissait plus grosse lorsqu’elle passa devant lui pour son énième ravitaillement. Jean décida d’observer encore un peu le phénomène, il trouvait ça tellement étrange, mais captivant à la fois. Après dix minutes, les deux bestioles étaient devenues tellement imposantes qu’elles ne pouvaient plus rentrer dans le bocal.

L’écolier sortit alors de sa torpeur, attrapa le couvercle de l’aquarium et enferma ces deux bizarreries ensemble. Qu’elles s’entre-tuent le temps que je me sauve pensa-t-il. Mais il n’en fut rien. Elles se mirent toutes deux à enfler en le fixant à travers la paroi. Jean monta sur une chaise, saisit la spatule et l’encra dans le joint du châssis pour faire levier. Il passa la lame du couteau pour venir à bout des racines entremêlées qui empêchaient sa sortie. Il regardait de temps à autre par-dessus son épaule. Les monstres devenaient menaçants, poussaient contre la paroi vitrée. Sa chaise bascula et sa tête heurta le sol.

Lorsqu’il revint à lui, une araignée gigantesque le surplombait. Derrière, une vieille dame en robe rouge avec des ailes scintillantes lui intimait l’ordre de continuer à tisser. Les jambes et les bras du petit garçon étaient déjà emballés dans un cocon de soie.

— La sorcière, vous êtes la sorcière, cria le petit garçon

Elle opina du chef. Il essaya de se débattre, mais une douleur vive le paralysa au niveau de la cuisse, il sentit de l’engourdissement dans tout son corps. Sa tête se posa sur le sol. À côté de lui, le squelette semblait lui sourire. Les yeux du brave petit se fermèrent. Lorsqu’il les rouvrit, la rosée avait fait son office et Jean était trempé. Plus le temps d’admirer la cime des arbres, il fallait maintenant galoper jusqu’à la maison et préparer la soupe du soir.

2 réflexions sur “Le petit garçon, la mouche et l’araignée”

  1. Malgré ma phobie des araignées, et mes sueurs froides au fil des lignes de ton écrit, je suis allée jusqu’au bout de ce récit  » fantastique » !
    Plongée dans l’histoire que je n’aurais pas lue d’emblée, déjà avec le titre, ce fut un moment de soulagement d’arriver à la fin.
    Toujours autant de plaisir de te lire.

  2. Je me demandais tout en suivant les aventures du petit garçon, si tu racontais ce genre de histoire à tes enfants?
    Haha, j’espère ne pas faire de mauvais rêve cette nuit!!!

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