Leblanc broie du noir

Pour cette 15ème consigne, je devais plonger mes lecteurs dans une ambiance de polar.

Je devais au minimum créer un trio, assasin – enquêteur – victime et imaginer un mobile pour le crime. Il est évident qu’avec 6000 caractères, je n’ai pas pu partir dans des grandes énigmes capilotractées comme je les aime. Mais le but était avant tout de respecter les code du roman policier noir, installer un contexte, faire vivre des personnages.

Bonne lecture !

Leblanc broie du noir

Trente minutes que la BM est stationnée sous la flotte, en attendant que la Perle se pointe.

—  Putain d’orage, soupire l’inspecteur Leblanc.

Comme tout flic qui a roulé sa bosse, il sait qu’il faut s’armer de patience pour glaner un bon renseignement. Même s’il pleut des hallebardes et qu’on ne voit rien à deux mètres. Même si le prix à payer est d’être enfermé dans un espace confiné avec un stagiaire affublé d’un prénom incongru : Stanislas. Une espèce d’adolescent attardé, accro au GSM et, par-dessus tout, à Facebook, toute la journée à pianoter sur son smartphone.

Trente minutes… Et cette pluie qui n’en finit pas ! C’est sûr que la Perle ne va pas montrer le museau facilement par un temps pareil. La Perle, c’est une indic comme on les aime : discrète, au courant de tout ce qui se passe dans le quartier, et suffisamment empêtrée dans des affaires de cambriolage et de petits délits pour être fidèle à son devoir de citoyenne.

Trente minutes…  Leblanc commence à trouver le temps long.

— Je sais qu’elle n’aime pas recevoir une douche forcée sur ses bouclettes, mais il y a des limites, grommelle l’inspecteur.

C’est qu’elle y tient à sa tignasse, c’est son style, sa signature, sa marque déposée. Elle en a bavé dans la rue pour gagner le respect de ses congénères. Passée maître dans le crochetage de serrure, le perçage de coffre et autre activité qui requiert des mains de fée. Elle est précieuse pour le milieu, c’est ce qui lui a valu son surnom.

— Bon, le binoclard, va chercher les parapluies dans le coffre, on va voir dans la ruelle ce qu’elle fout.

Aux pieds des deux flics, git une petite racaille du coin adepte de la seringue. Son crâne est défoncé et il tient une lame dans la main. Le sang, mêlé à l’eau, ruisselle vers le caniveau. La perle est allongée un peu plus loin, une main sur la poitrine. Ses cheveux trempés sont plaqués sur son visage.

— Appelle les secours et l’équipe de relevés, ordonne Leblanc.

— Z’êtes sur ? Ça ressemble carrément à une embrouille qui a mal tourné, s’essaie le nouveau.

— Ça ressemble ouais… repris Leblanc en jetant sa clope dans la rigole, à coté d’une brique fendue tachetée d’hémoglobine.

N’importe quel flic classerait l’affaire. Personne ne va se soucier de la disparition d’un junkie et d’une voleuse orpheline. Mais Leblanc l’aimait bien, il a connu sa mère, une catin notoire. La Perle n’a jamais été du genre à chercher les embrouilles. Quelque chose ne tourne pas rond. Puis pourquoi a-t-elle tenu à le voir ?

Leblanc décide d’aller trouver Tony, un pote de la petite. Il connait la musique, sans mandat, il ne pourra pas entrer et obtenir les infos souhaitées. Alors il attend que le jeune homme sorte pour le cueillir par surprise. Il démarre la voiture et vient à sa hauteur, fenêtre ouverte.

— Monte gamin, et fais pas le mariole, ta copine a eu des bricoles, c’est pas le moment de filer.

Tony grimpe dans l’auto.

— J’ai rien avoir là dedans moi, vous me connaissez, je lui ai dit de faire gaffe.

— Faire gaffe à quoi ?

— Marcher dans leur combine, je savais que ça finirait mal.

— Mais avec qui a-t-elle eu contact ?

— J’en sais rien, elle m’a juste dit qu’elle devait voler un truc et leur remettre.

— On est venu lui proposer un taf ?

— Oui, c’était pas un job de notre envergure, mais elle a vu la liasse de billets alors…

— Donne-moi leur nom.

— Je sais pas moi, j’ai juste vu un gars repartir un jour où je venais chez elle.

— Il ressemble à quoi ce gus ?

— Un grand balaise, cheveux courts et il a un serpent tatoué dans le cou.

La pluie n’a pas facilité le boulot des enquêteurs, mais ils ont pu relever quelques indices quand même et deux constats majeurs. La Perle n’aurait jamais eu la force nécessaire pour fracasser le crâne d’un homme de cette façon avec une brique. Et soit le junkie était en veine, soit il était tueur professionnel dans une autre vie. Car le couteau a transpercé la chair entre les côtes pour venir perforer parfaitement l’aorte, ne laissant aucune chance à sa victime.

Rentré au poste, Leblanc recherche quelque chose qui pourrait relier la Perle à un vol dans les affaires récentes. Un dossier retient son attention. Un vol de bijou chez un diamantaire. Le cambrioleur serait passé par les toits et aurait ouvert le coffre sans le forcer. Le propriétaire de cet objet est un caïd que l’inspecteur connait bien.

— Personne n’aurait osé s’attaquer à quelque chose lui appartenant. A moins que…, marmonne-t-il.

Il enfile son pardessus, met son chapeau et se tourne vers son adjoint.

— Stan, va chercher la voiture, on part chez Meurisse choper un mandat.

La grille s’ouvre, Leblanc suivi par trois autres voitures de police, entre dans la propriété de Don Pascale. L’homme de main de ce dernier vient à leur rencontre. Il est grand, blond et porte un tatouage de serpent dans le cou. L’inspecteur doit se retenir de ne pas l’étaler. Une voix retentit derrière le colosse.

— Ma, inspectore, que se passé-t-il ?

— Don Pascale, vous êtes en état d’arrestation pour le meurtre de Camille Durieux, elle a formellement désigné votre larbin comme meurtrier avant de rendre son dernier souffle.

Le truand lance un regard noir à son homme de main, qui parait déboussolé par cette annonce.

— Umbécilé, bon à rien… vocifére alors le Parrain.

Dans la voiture, Stan ne peut s’empêcher de questionner Leblanc.

— Elle était déjà morte quand nous sommes arrivés, vous avez bluffé… Comment avez-vous su ?

— Pascale est un joueur invétéré, il a perdu beaucoup d’argent aux courses avec son dernier pur sang. Alors pour récupérer du pognon, il a engagé Camille afin de voler un diamant de sa collection. Comme ça, il récupérait l’assurance et se remettait un peu à flot. La pauvre petite a été manipulée et liquidée, ils ont pris soin de maquiller la scène en pensant qu’on n’irait pas voir plus loin. J’ai juste eu à fouiner un peu. Le témoignage de Tony a confirmé la description du tueur.

— Voilà une affaire qui se termine pas mal en somme.

— Pas mal ? La Perle ne méritait pas ça ! Ce salopard de rital… Elle va me manquer cette petite.

3 réflexions sur “Leblanc broie du noir”

  1. Titre bien trouvé.
    Tu m’as plongée dans l’ambiance demandée.
    Toujours autant de plaisir de te lire.
    Consigne, d’après moi, respectée.

  2. Il y aurait pu avoir un peu plus de suspens si tu n’étais limité en caractères. Félicitations…je croyais visionner un feuilleton. Bisous mamy

  3. J’ai apprécié le Polar et si c’était un livre à lire il me donnerait envie d’aller au bout. J’aime beaucoup le caractère du vieux flic!
    Pour moi aussi, les consignes paraissent respectées. Continue!

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