Métro, boulot, dodo… sauf le lundi !

Pour cette 23eme consigne, je devais écrire une nouvelle sur : la journée idéale pour écrire.

Comment organiser mon temps d’écriture entre toutes les activités qui occupent ma vie. Si je le pouvais, comment voudrais-je que mon quotidien d’auteur en herbe se déroule ? Entre fiction et réalité, je vous livre une part de mon organisation personnelle. Ou plutôt celle d’une amie proche.

Bonne lecture !

Métro, boulot, dodo… sauf le lundi

Carole est perdue dans ses pensées, elle ne réalise pas tout de suite les klaxons et les appels de phares des conducteurs excédés. En route vers l’école des enfants, pourquoi s’est-elle détournée de la réalité cette fois? Enfin, de sa réalité… pour endosser, à nouveau, celle de quelqu’un d’autre ? Pour l’heure, elle doit tout de même activer ses neurones et être efficace, elle a une nouvelle à rendre demain et le texte est toujours bloqué dans sa tête ou griffonné dans son inséparable calepin.

— Maman, c’est vert, indique Camille, sa petite fille de huit ans.

Le SUV se remet doucement en route, essuyant aux passage les gestes d’agacement des conducteurs des autres véhicules.

Carole observe souvent les gens et imagine leur vie. Par exemple le vieux monsieur de l’allée des framboisiers, avec son cabas, qu’elle croise tous les matins, il remonte la rue pour aller chercher son bus. Mais où se rend-il ? Sans doute va-t-il visiter sa pauvre femme, placée dans une maison pour personne âgée. Maigre récompense, se dit-elle, pour le vieil homme qui courbe le dos, fourbu de toutes les années à travailler à l’usine. A peine peut-il enfin profiter du temps perdu avec son épouse qu’elle est déclarée inapte à rester auprès de lui.

Il y a la fleuriste aussi, qui, inlassablement, sort ses pots sur la devanture. Lors d’une conversation qu’elle avait eu avec la vendeuse, il lui était apparu très clairement que la brave dame ne voyait pas son existence derrière un comptoir. Pourtant, un divorce et deux enfants à l’université avaient poussé la commerçante à continuer son activité alimentaire, piégée dans les rouages du système. Quel est le sens d’une existence aussi résignée. ?

Carole se demande si ces vies, qu’elle imagine, qu’elle a envie de coucher sur du papier peuvent être utile au roman qu’elle souhaite écrire. Les lecteurs aiment se retrouver dans les personnages qu’ils lisent, des gens simples, des antihéros attachants, ceux qui ont une vie avec des problèmes habituels, des ennuis : de santé, de finances, de famille… Qui sait, peut-être que son projet pourrait plaire au grand public ?

— On va arriver en retard si tu n’appuies pas un peu sur le champignon, murmure Jean, le bonhomme de dix ans jette un regard complice à sa sœur en prononçant cette phrase.

Attachés à l’arrière, Jean, Camille et Alice se demandent pourquoi leur maman met toujours du temps à démarrer aux carrefours.  Mais le lundi, c’est quand même leur jour préféré de la semaine. Car maman a le temps. Elle ne doit pas prendre le train pour aller travailler. Elle est à la maison, elle s’installe au petit déjeuner avec eux et vient les rechercher plus tôt, ils évitent ainsi la garderie.

La quarantenaire a souvent cherché un sens au rythme journalier répétitif qu’elle a mené des années. La réduction de son temps de travail a sans doute été la meilleure décision de sa vie professionnelle. Elle a enfin du temps, conséquent, à accorder sa passion. Bien sûr, elle a toujours pu se consacrer certains soirs à la rédaction de quelques lignes, mais la fatigue la rattrape en permanence.  « Faut apprendre à se connaître » lui répétait sa coach, et de continuer « visiblement, vous êtes du matin ». En effet, après sa journée de boulot, le repas, les bains et le coucher des enfants… Carole est lessivée et le courage lui manque un peu pour s’installer à son bureau. Mais désormais, c’est différent.

Les enfants déposés, elle va faire quelques courses pour la semaine. Munie de son petit cahier à lignes, elle scrute les clients du magasin et inscrit leur comportement à mesure que son chariot se remplit. Ensuite, elle rentre chez elle et grimpe sur son vélo pour profiter du bois jouxtant la maison familiale. Elle aime se repaître de la nature, sentir, toucher, observer ce qui l’entoure, autant d’éléments qui vont servir lors de sa prochaine nouvelle et qui lui permettent de s’aérer l’esprit, loin de la routine et de la ville.

Il est midi, notre cycliste se prépare un smoothie et grignote un petit casse-croûte avant d’allumer son ordinateur. Le temps de mettre ses idées dans l’ordre, ses doigts commencent à tricoter sur le clavier, son carnet de notes ouvert sur la table. Trouver la meilleure tournure de phrase, supprimer un maximum de coquilles, vérifier la concordance des temps, ciseler, raboter, ôter le superflu… toujours plus de concision. Après deux heures, le premier jet est imprimé. Il est l’heure de retourner à l’école chercher les enfants.

Vers ­dix-neuf heures, Paul, le mari de Carole revient du travail. La petite famille mange et les enfants en profitent pour raconter leurs exploits de la journée. Le cahier ligné n’est pas loin, voilà encore de la matière à utiliser pour une histoire éventuelle.

Les loulous sont couchés. Lovée contre Paul, Carole lui tend les quelques pages qu’elle a tapées dans la l’après-midi. C’est son premier critique, toujours ! Elle sait qu’elle bénéficie encore une soirée pour peaufiner son texte avant de le remettre au correcteur de son atelier d’écriture. Alors avec le recul nécessaire et une lecture avisée, Paul émet son avis. La nuit porte conseil, Carole sombre dans le sommeil avec les remarques de son époux.

Le lendemain, c’est la course ! Le réveil sonne à six heures et demi, les enfants sont tirés du lit, débarbouillés, habillés et installés devant leur petit déjeuner en un temps record. Après un passage furtif par l’école, super maman vole jusqu’à la gare. Dans le train, Notre écrivaine en herbe prend le temps de relire encore son texte et y apporter quelques modifications. Ensuite elle passe la journée à se dissoudre dans le bain insipide de l’administration pour laquelle elle travaille.

Le soir, connectée à la plateforme de sa formation en ligne. Elle hésite en relisant une dernière fois le fruit de sa réflexion et de son imagination. Mêlant fiction et réalité, elle aime être transportée par ses propres écrits. Mais est-elle à la hauteur ? A quelle sauce va-t-elle être mangée ?

Deux choses sont sûres, c’est que quel que soit le moment ou l’endroit, son petit cahier ligné ne la quitte plus, et que jamais, elle ne va retravailler à temps plein. Elle a trouvé sa passion, elle a le droit de lui consacrer du temps de qualité. Allez, un clic… le récit est envoyé dans les temps.

6 réflexions sur “Métro, boulot, dodo… sauf le lundi !”

  1. Bonjour Benjamin, ou Carole devrais-je dire ?
    Un plaisir de te retrouver sur le blog avec cette nouvelle qui fait écho bien sûr à tous les aspirants écrivains qui aimeraient bien avoir plus de temps dans la journée pour se consacrer à leur passion (pour espérer en faire autre chose qu’une passion justement) au lieu de travailler. Et moi, je dis ça, je suis à mon compte et je n’ai pas encore de mouflets ! En tout cas, ça sent le vécu cette publication, et on sent l’urgence d’écrire coûte que coûte et de répondre à un délai (Notre écrivaine en herbre) ! Quelle était la consigne ici ?

    Je te souhaite en tout cas du courage pour trouver le temps et pour mener à bien tes projets, et ne doute jamais, tu es à la hauteur, et je te suis avec toujours la même joie.
    Belle journée à toi,
    Sabrina, ex ELS

    1. Coucou Sabrina,

      Tu as été plus rapide pour répondre à mon nouveau post, que moi pour écrire l’avant-propos de cette consigne.
      Je t’invite donc à en prendre connaissance, j’ai également peaufiné le texte dans lequel certaines coquilles et autres incohérences existaient encore.

      Au plaisir de te lire,

      Ben

  2. Coucou Benjamin, c’est lundi..quel bonheur que tu aies obtenu cette journée de respiration…
    Oui l’histoire de Carol ressemble étrangement à la vie d’une famille que je connais!
    Le petit carnet ???? en mode journaling oui c’est pas mal.
    ????

  3. Ce 4/5e est vraiment une des meilleurs decisions professionnelles prise…
    J’étais presque essoufflée à la fin de la lecture tellement la journée est rythmée…mais avec un bon sentiment.

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