Un semblant de moi (Version modifiée)

Pour cette 24eme consigne, il fallait établir un plan d’écriture sur un premier jet. J’ai choisi de retravailler la première nouvelle que’ j’ai postée sur la plateforme de formation.

J’ai donc imprimé mon texte en laissant des espaces et j’ai beaucoup griffonné la feuille. En le relisant, la première chose qui m’est apparue est qu’il y avait un gros souci dans la concordance des temps. J’ai décidé de le mettre au présent, ce qui m’a simplifié la vie et a donné plus de rythme à l’histoire.

Ensuite, j’ai cherché, à mieux décrire l’angoisse du personnage, à l’instar du premier paragraphe. Développer son histoire sans rentrer dans les détails. Du coup, j’ai supprimé des passages entiers qui me semblaient superflus, voire lourds, pour la fluidité et la compréhension du récit.

J’ai rendu les phrases plus concises. J’ai dégagé l’idée principale de cette nouvelle, à savoir : le burnout de cet homme actif qui se heurte aux conséquences d’un mauvais choix professionnel malgré lui, pressé par les standards de la vie. Et dans un second temps, j’ai essayé de garder en filigrane des combats secondaires, tels que : le conformisme à l’école, la dépendance à la réussite sociale, etc… Je m’arrête là !

Bonne (re)lecture !

Un semblant de moi (version modifiée)

Fermement cramponné à la main courante, j’attends avec impatience l’immobilisation du véhicule. Enfin, le crissement des mâchoires sur les rails métalliques se fait entendre. Les portes automatiques se déverrouillent dans un tintement strident. Je sens l’air frais me piquer le visage. Je titube mais réussis à m’extirper du Wagon et parcourir quelques mètres. Les mains plaquées sur la paroi de l’abribus, je tente de reprendre mes esprits. Les inspirations saccadées me procurent  à peine l’oxygène nécessaire pour me tenir debout. Des gouttes de sueur perlent sur mon front et un goût acide tapisse le fond de ma gorge.

   – Monsieur, tout va bien ?

Une main sur mon épaule, le corps courbé, la tête inclinée pour soutenir mon regard, une charmante petite dame m’adresse cette phrase avec bienveillance. A peine ces quelques mots parviennent à mon cerveau qu’ils ébranlent mon être entier. Que puis-je répondre à cela ?

Je transpire et vacille, alors que, comme depuis dix ans, je me rends au travail. Ironie, je viens d’être gratifié d’une promotion. Voilà qui devrait en réjouir plus d’un, tout va pour le mieux dans le meilleur des monde. Alors pourquoi ce mutisme ? Mes lèvres restes collées et  ma mâchoire me fait mal à force de serrer les dents. Condamné ! Oui c’est le mot. Condamné aux galères, ayant pour unique corvée, l’exécution de tâches abjectes dans une ambiance exécrable. Balancé dans un service où même le mot « sens » n’en a plus.

J’aurais sans doute dû refuser l’augmentation, rester douillettement planqué dans mon ancien service me direz-vous ? Tout le monde le fait dans l’administration, non ? Mais les défis pimentent la vie, alors j’ai choisi l’option de l’inconfort. Bref, je suis le seul à blâmer.

Le barouf mécanique des roues du tram qui redémarre résonne dans mon cerveau comme le boucan d’une salle des machines. Des souvenirs nauséabonds défilent, des phrases assassines, des promesses non tenues, des projets qui en sont restés, des études commencées et pas finies, les jalousies des uns, les moqueries des autres. Les affiches publicitaires, les arbres, les immeubles tournoient autour de moi, mes jambes ne me soutiennent plus.

Je sens brusquement une prise ferme sous les bras me soulever du sol et m’assister pour atteindre l’intérieur de l’aubette. Quelques secondes plus tard, je suis assis sur la banquette, le corps avachi et la tête lourde.

     – Monsieur, vous m’entendez ? Ça va ?

La voix est toujours douce mais se fait plus anxieuse. Ma bouche ne parvient toujours pas à s’ouvrir. Scellée ! Engourdi de stupéfaction et d’incompréhension, je suis incapable de répondre.

Bien sûr, je peux essayer de me persuader que c’était mieux dans mon ancien job. Je ne vais pas analyser des chiffres jusqu’à la fin de ma vie. Et puis la vérité, c’est que mon job précédent ne m’a jamais épanoui non plus. J’ai simplement choisi la suite logique de mon ascension professionnelle. Pas de quoi paniquer. Mon regard suit alors les rails qui forment deux droites parallèles, au loin, j’ai l’impression qu’elles se rejoignent. Et si j’avais toujours été à coté de la plaque ? J’ai suivi un chemin en parallèle des mes envies profondes mais je n’ai jamais rencontré la satisfaction encore.

Car, j’en ai parcouru du chemin et gravi des échelons pour « réussir » au sein de cette société. « Tu as quand même une belle situation » clament ma famille et mes amis. « Tu ne pourras jamais rêver de meilleure place ailleurs ». Evidemment que tout va bien. Nul besoin de me mettre dans un état pareil. Alors pourquoi j’étouffe ? Pris au piège, le boa salarial resserre doucement ses anneaux pour m’étourdir jusqu’à en perdre mon identité.

La fraîcheur automnale dissipe doucement la brume qui aveugle mon esprit. Je commence à comprendre ce que mon corps cherche à communiquer dans un réflexe de survie. Il déclenche la sonnette d’alarme. Il faut se rendre à l’évidence : là où l’école a échoué, le monde professionnel est en train de gagner la bataille avec perfidie. Refermant le couvercle de la boîte dans laquelle j’ai toujours été incapable de rentrer. Je dois reprendre mon destin en main. Ne pas subir le dictat sociétal qui me ramène constamment aux idées véhiculées par la masse prisonnière des tentacules politiques et conformistes.

Me conformer ? Suivre le courant n’a jamais été mon fort. Déjà petit, il m’est souvent arrivé de ne pas adhérer aveuglément à  l’avis de mes copains. De chercher les solutions les plus efficaces au lieu de suivre le troupeau pour être accepté par celui-ci. Et l’école, il est évident que je ne suis pas un exemple à suivre, en tout cas au sens où l’éducation nationale l’entend. Juste parce que je ne corresponds pas aux normes, je suis déclaré inapte, en échec.

Quelles normes d’abord ? Correspondre à ce que le monde de demain attend de nous ? Participer à l’économie telle qu’elle est pensée par certains puissants ? En ne considérant jamais notre opinion, nos envies, notre personnalité ?  Car on se moque de nous, nous ne sommes pas l’objet de l’équation, nous en sommes le résultat. Vous aurez besoin d’un diplôme dans la vie si vous voulez réussir… Voilà des phrases qui ont nourri mon parcours scolaire. Réussir ? Mais où place-t-on le curseur ? Est-ce l’argent qui motive ? L’épanouissement personnel ? La sécurité et  la stabilité pour sa famille ? La reconnaissance de ses pairs ?

Je sens le sang battre dans mes tempes, ma vue s’éclaircit petit à petit. Le brouhaha inaudible laisse place à la volupté des chants d’oiseaux et aux paroles claires que les personnes attroupées autour de moi me lancent avec inquiétude. Alors aujourd’hui c’est terminé, après des années de leurre, où j’ai tenté d’être légitime aux yeux de mes employeurs. J’ai lissé, effacé, oublié qui je suis vraiment. Le fil s’est rompu. Je refuse de m’adapter à n’importe quel prix. En tout cas pas en payant celui de mon identité. Je me fous d’avoir « réussi » dans ces conditions, je veux vivre selon mes aspirations et pas celles dictées par la société.

Enfin je distingue avec netteté la brave dame qui me parle depuis un moment. Mes maxillaires se relâchent, mon corps se détend et j’esquisse un sourire.

     – Oui Madame, ça va beaucoup mieux maintenant, merci.

1 réflexion sur “Un semblant de moi (Version modifiée)”

  1. Salut Benjamin,
    Très joli texte, qui renvoie aux questionnements internes de beaucoup d’entre nous. Même sans avoir connu le burnout, on peut s’identifier. J’aime particulièrement cette phrase « Pris au piège, le boa salarial resserre doucement ses anneaux pour m’étourdir jusqu’à en perdre mon identité. » Elle décrit tellement bien cette réussite tant convoitée et cette partie de nous qu’on oublie en chemin. La petite angoisse qui nous a été apprise et qu’on nourrit « sagement ». Pas simple de sortir de la « matrix » Merci pour ta générosité.

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