Un clown à l’Elysée

Pour cette 18ème consigne, je devais m’attaquer à l’uchronie et envisager un scénario sur le mode « Et si ». Un procédé qui offre un champ illimité de variables et de possibilités, faisant intervenir l’imagination, la projection, et qui impose à l’auteur une nécessaire rigueur dans la mesure où cette recréation se doit de constituer un monde plausible. Je me suis fait plaisir avec le thème et les personnages abordés, à vous de me dire si ça fonctionne…

Bonne lecture !

Un clown à l’Elysée

Dimanche 08 mai 1988. La France est devant son écran. Jamais le taux de participation au vote n’avait été aussi élevé dans le pays. Mitterrand s’est fait distancer au premier tour par les deux candidats encore en lice : Chirac pour la droite et Coluche pour… le reste !

Jeudi 19 juin 1986. Comme tous les jours, Albert Ardisson est au volant de son semi sur la route reliant Opio à Nice. A la radio, le commentateur fait le point sur l’actualité :

« Nous sommes à moins de deux ans des élections présidentielles, et déjà le nouveau scrutin nous promet des fantaisies. Nous apprenons, à l’instant, que Coluche réitère ! Cette fois il n’est pas seul : il crée un parti, porté par la troupe des enfoirés et soutenu par ses amis Daniel Balavoine et Gérard Lanvin. Les Etats-Unis ont eu un acteur comme président alors nous, pourquoi pas un comique ? ».

Le chauffeur est absorbé par l’émission. Il s’engage pour traverser la route et rentrer dans le dépôt lorsqu’il voit une moto qui se dirige vers lui. Tout va très vite ensuite, il braque et heurte la rambarde, il a juste le temps de voir le motard frôler la calandre et piler sur les freins.

Mercredi  12 septembre 1995. PPDA reçoit le président sur TF1 pour le bilan de fin de son septennat.

— M. le president…

— Commence pas, appelle-moi Coluche, comme tout le monde, vas-y reprends, allez… deuxième, clap !

— Ahah, très bien. Coluche, vous arrivez en fin de mandat et beaucoup de choses ont changé durant votre présence à l’Elysée. Pensez-vous que la réforme de l’Etat peut tenir sur le long terme ?

— Ca va dépendre des Français… Ils ont en tout cas beaucoup plus la main qu’auparavant. Ceci dit, je ne serai plus président, mais ça m’empêchera pas de l’ouvrir et d’aider. J’les ai vu les comptes maintenant…

— Justement, ces nouveaux paliers d’imposition, cette redistribution plus « juste », vous n’avez pas peur que les entreprises aillent voir ailleurs pour dégager plus de marge.

— Je demande à voir. Tu crois que c’est mieux ailleurs ? Déjà qu’ils veulent nous coller un projet d’unification des états pour contrebalancer avec les USA. Et vas-y que ça nous parle monnaie unique, gouvernement transversal… rien du tout ! On est français, label certifié, qualité durable, on va pas aller s’embrigader avec des baltringues qui vont nous siffler notre pinard et notre pognon.

— Avant de parler de gouvernement extra-muros, comment voyez-vous la suite en France alors, après votre départ ?

— Comme je l’ai proposé, ratifié par referendum, depuis qu’il fait force de loi, héhé… Nous allons passer d’une république à une démocratie délibérative… Puis pour ceux qui savent pas ce que c’est, z’ont qu’à aller voir dans le dico !

— Malgré votre statut actuel, vous avez su rester fidèle à vos amis, et vous avez toujours pu compter sur eux ?

— C’est sûr, on est une bande de copains, il y a Romain, Gérard et tous les autres. Mais Daniel a quand même joué un rôle primordial dans toute cette aventure. Il était ultra motivé depuis son entrevue avec Mitterrand sur une chaine concurrente il y a 15 ans. Et il est malin, balèze en politique et puis sa popularité a bien aidé aussi, faut bien le dire.

Lundi 14 janvier 1986. Il est 18h00 quand l’hélicoptère se pose à Gossi pour vivre le départ de la deuxième épreuve chronométrée de la quatorzième étape du Paris – Dakar. A son bord, Thierry Sabine, Daniel Balavoine, deux journalistes et le pilote.

— Je donne le coup d’envoi de la course et on décolle pour la ligne d’arrivée, lance Thierry à son ami.

— Ok, je vais boire un coup et je reviens.

Dans la foule, Daniel croise Jacquy Icks et Claude Brasseur. L’acteur ne se sent pas bien. Il connait les talents de copilote de Balavoine et son palmarès sur cette course en 83 et 85, il lui propose de le remplacer pour la fin de l’étape. Le chanteur s’empresse d’accepter et prend place à côté de Jacky.

Mardi 11 juin 2019. Laurent Ruquier reçoit Michel Onfray sur le plateau de l’emission : On n’est pas couché.

— Michel, quelle France aurions-nous aujourd’hui si Coluche n’avait pas été président il y a trente ans ?

— Il y a fort à parier que nous aurions été engloutis dans une espèce de dôme européen. Avec les mêmes lois, la même pensée pour tous les pays d’Europe, sans respect des racines, de la culture, vous imaginez un peu le chaos ? Et quel coût pour notre économie, non seulement, nous aurions gardé un gouvernement national très dispendieux, mais nous aurions dû financer l’Etat européen.

— Alors j’entends encore des vieux réacs nous dire que c’était mieux avant. Qu’aujourd’hui, tous les cons peuvent voter des lois, participer à la vie politique.

— Justement, avant, il n’y avait que les cons de l’ENA qui pouvaient voter des lois. Actuellement, n’importe quel citoyen peut s’y intéresser, faire partie d’un groupe de réflexion et sa voix est prise en compte au moment de la décision finale. On est tellement plus proche des besoins des Français.

— Pensez-vous qu’un retour en arrière soit un jour possible ?

— Jamais… Aujourd’hui, les citoyens ont quitté la cinquième république et son modèle Jacobin, c’est eux qui proposent et  légifèrent. Tout le monde a plus dans la poche en fin de mois et ça fonctionne. Pensez-vous qu’une motion sera votée un jour pour rendre le pouvoir à un seul parti, qui en son sein, représentera peut-être un dixième de la population ?

— D’après-vous, l’élan donné par une gouvernance plus proche des citoyens a-t-il influencé d’autres pays d’Europe ?

— Evidemment, regardez nos voisins Belges. Ils ont toujours été les champions du compromis, des coalitions improbables pour diriger. Sauf que le vote des électeurs n’était pas vraiment respecté. Depuis qu’elle est devenue une confédération citoyenne en 2004, leur économie ne s’est jamais aussi bien portée.

— Si on devait résumer l’ère Coluche ?

— Il a dit en 1980, lors de sa première campagne intox : « moi je suis le candidat qui donnera le sourire aux gens. » Il a réussi son pari.

— Ce sera la conclusion, merci et comme le dit toujours Coluche : on compte sur vous !

1 réflexion sur “Un clown à l’Elysée”

  1. Bien le bonjour Benjamin !

    Alors, pour le coup, cette version est plus dynamique, les tics de langage de M. le président Coluche ressortent bien, je l’ai totalement imaginé pendant cette interview fictive. Tu as remanié l’avancée du texte et conervé quelques flashbacks, ça marche plutôt bien, même si je continue à m’y perdre un peu, mais ça c’est mon cerveau fondu par la canicule !
    Toujours est-il que je t’avais promis de revenir sur ta nouvelle retravaillée, et c’est chose faite, et pis, avec la folie du monde, j’avais envie de rêver et que ton uchronie… soit la réalité !

    PS : il manque un « a » (il y… Romain)

    Belle journée à toi, Sabrina de l’ESC 🙂 !

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